Effet photo-électrique

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Effet photovoltaïque

Alexandre-Edmond Becquerel
Alexandre-Edmond Becquerel (1820-1891)

Edmond Becquerel (Becquerel II, le fils d’Antoine et le père d’Henri) découvrit en 1839 qu’éclairer certains matériaux provoquait le passage d’un courant électrique (effet photovoltaïque). Becquerel, qui n’avait alors que 19 ans, étudiait l’effet de la différence de température entre deux électrodes de platine plongées dans un bac d’électrolyse, quand il s’aperçut que l’effet dépendait aussi de la lumière éclairant le bac. Par l’usage de filtres colorés, il démontra que l’effet photoélectrique n’était pas un effet thermoélectrique dû au rayonnement calorifique (infrarouge), et que le courant induit par l’éclairement des électrodes était d’autant plus intense en lumière bleue qu’en lumière rouge, et il explora ensuite l’influence du métal des électrodes (platine, cuivre, argent) et celle de l’électrolyte utilisé. Becquerel apporta ainsi pour la première fois la preuve d’un lien entre lumière et électricité.

La conclusion de l'article d'Edmond Becquerel (C.R. Acad Sc; 1839)
La conclusion de l’article d’Edmond Becquerel (C.R. Acad Sc; 1839)

Les études menées par la suite montrèrent que cet effet photovoltaïque est une propriété des certains corps intermédiaires entre les métaux (conduisant l’électricité) et les isolants, et que l’on nomme de ce fait les semi-conducteurs et dont l’importance économique est aujourd’hui colossale (plus de 300 milliards de dollars par an pour les seuls fabricants de semi-conducteurs, les fondeurs). L’explication de l’effet photovoltaïque dut attendre l’avènement de la mécanique quantique. Dans un atome isolé, les électrons occupent des niveaux d’énergie discrets. Quand plusieurs atomes sont assemblés, les interactions entre eux conduisent à la formation d’un très grand nombre de niveaux très proches les uns des autres, formant ainsi plusieurs « bandes »  d’énergies permises pour les électrons, dites « bandes de conduction » et « bandes de valence ». Ces bandes sont séparées dans certains cas par des bandes « interdites » dont l’origine est liée à la régularité de la structure cristalline. Dans un métal, ces bandes « de conduction » et « de valence » se chevauchent et un très faible apport d’énergie permet à un électron de se déplacer: le métal est conducteur. Dans un isolant, la bande d’énergie occupée par les électrons, la bande de valence, est nettement séparée de la bande d’énergie dans laquelle les électrons pourraient se déplacer, la bande de conduction. Seul un apport très important d’énergie aux électrons leur permet de sauter cet intervalle: c’est ainsi qu’un étincelle peut jaillir dans l’air (isolant) entre deux électrodes sous forte tension. Dans un semi-conducteur, l’écart entre la bande de valence et la bande de conduction est faible, de l’orde d’un électron-volt, et un apport d’énergie sous forme de lumière (effet photoélectrique), de chaleur (effet thermoélectrique) ou un champ électromagnétique peut suffire à produire un courant électrique.

Conducteur, semi-conducteur et isolant
Conducteur, semi-conducteur et isolant

L’intervalle entre bandes dépend du semi-conducteur: 0.7 eV pour le germanium, 1.1 eV pour le silicium par exemple. Et pour le réduire encore, on « dope » souvent le semi-conducteur avec des atomes d’un élément différent. Cela perturbe la régularité de la structure cristalline, crée des îlots permis dans la bande interdite et en facilite la traversée comme des pierres à travers un gué. Et selon le dopage, on crée des semi-conducteurs avec un excès d’électrons libres (semi-conducteurs N) ou un défaut (semi-conducteurs P) et les jonctions P-N entre semi-conducteurs opposés permet de réaliser des diodes (éventuellement capables d’émettre de la lumière, les LED), des transistors et maintenant tout un circuit électronique (les « puces » de nos appareils omniprésents).

Publicité des Bell Laboratories pour les premières cellules photoélectriques commercialisées (revue Look, 1956)
Publicité des Bell Laboratories pour les premières cellules photoélectriques commercialisées (revue Look, 1956)

Cela permet d’améliorer fortement le rendement de l’effet photoélectrique. Le sélénium transforme en électricité moins de 1% de l’énergie lumineuse reçue, tandis qu’une jonction P-N de silicium atteignait des rendements de 6% dès 1954, et les meilleures cellules photoélectriques actuelles approchent d’un rendement de 45%. Parallèlement, les prix ont fortement baissé, de 500 $/W en 1970 à un peu plus de 1$/W actuellement (en dollars de 2012) pour les cellules elles-mêmes.

Effet photoélectrique

L’effet photoélectrique est différent de l’effet photovoltaïque: dans le premier, la lumière arrache des électrons au métal, tandis que dans le second la lumière excite seulement les électrons de la bande de valence à la bande de conduction.

Heinrich Rudolf Hertz (1857-1894)
Heinrich Rudolf Hertz (1857-1894)

En 1887, au cours de ses expériences visant à mettre en évidence les ondes électromagnétiques prédites par les équations de Maxwell (nos actuelles ondes hertziennes), Hertz mesurait la longueur des étincelles produites dans l’ouverture de l’anneau métallique qui lui servait de détecteur.

Pour mieux les voir, il plaça l’anneau ouvert dans une boîte obscure avec un hublot de verre, et les étincelles devinrent plus courtes! Mais ce n’était pas le cas si le hublot était en quartz. Et si la pièce était brillamment éclairée en brûlant du magnésium, les étincelles étaient plus longues.

Expérience de Hertz
Expérience de Hertz

Précis, Hertz détermina que c’était la portion ultraviolette de la lumière blanche du magnésium qui était responsable de l’allongement des étincelles, et que la différence entre verre et quartz était due à l’absorption des ultraviolets par le verre. Hertz ne poursuivit pas l’étude de cet intéressant phénomène, se focalisant sur les ondes hertziennes.

Expérience de Hertz
Expérience de Hertz

Wilhelm Hallwachs (1859-1922), qui avait été en 1886 l’assistant de Hertz, réalisa en 1887 et 1888 une série d’expériences au cours desquelles il mesura la vitesse de décharge d’un électroscope éclairé par une lampe au magnésium. Il découvrit que l’électroscope se déchargeait rapidement si les lamelles portaient initialement des charges négatives, mais beaucoup plus lentement s’il était initialement chargé positivement.

L'étude de l'effet photoélectrique par Hallwachs
Expérience de Hallwachs: une lampe au magnésium comme source de lumière à gauche, un électroscope à lamelles de zinc au centre, et un électromètre de Hankel à droite pour des mesures précises de la décharge de l’électroscope

La photoélectricité suscita beaucoup d’intérêt. Hallwachs suggéra que la lumière éjectait du métal des corpuscules chargés négativement (il pensait alors plus à des poussières métalliques qu’aux électrons que Thomson n’avait pas encore découvert), et des idées semblables furent avancées par Lénárd et Wolf en 1889. Cela expliquait la différence de comportement de l’électroscope selon sa charge. Il montra aussi que l’effet dépendait beaucoup du métal, le sélénium se montrant particulièrement efficace. Alexandre Stoletov démontra en 1888 que l’intensité du courant était proportionnelle à l’intensité de l’éclairement.

Après la découverte de l’électron, Thomson avait dé montré en 1899 que la lumière ultraviolette projetée sur une surface métallique provoquait l’émission d’électrons (plutôt que des poussières métalliques chargées comme Hallwachs l’avait avancé), en mesurant leur rapport masse/charge électrique et en vérifiant qu’il était le même que celui des rayons cathodiques. Que la lumière éjecte des électrons n’avait en soi rien de très surprenant: la lumière étant une onde électromagnétique devait « secouer » les électrons et en éjecter certains à l’occasion. Plus l’éclairement était intense et plus le nombre d’électrons éjectés était grand, conduisant à la loi de Stoletov.

Un problème avec l’effet photoélectrique

Philip Lenard (1862-1947)
Philip Lenard (1862-1947)

Philipp Lénárd avait été l’élève de Bunsen, Hertz, Helmholtz et Eötvös, et il avait beaucoup travaillé sur les rayons cathodiques. C’est lui qui avait eu l’idée de la fenêtre métallique dans un tube de Crookes pour laisser sortir les rayons cathodiques et étudier leur pénétration dans l’air et divers matériaux. Ces études le convainquirent que ces rayons étaient de très petites particules matérielles (beaucoup plus petites que les atomes ou les molécules qu’elles traversaient aisément), corroborant ainsi les résultats de Thomson. Il montra en 1900 que les rayons ultraviolets ionisaient l’air, et que les particules éjectées d’un métal par les ultraviolets étaient bien des électrons.

Lénárd étudia en 1902 comment l’énergie de ces électrons émis variait en fonction de l’éclairement. Pour cela une plaque chargée négativement était placée à proximité de la plaque éclairée par une puissante lampe à arc dont l’intensité pouvait varier d’un facteur 1000. La plaque négative repoussait donc les électrons. Seuls l’atteignaient (et provoquaient un courant mesurable) les électrons d’énergie (cinétique) suffisamment grande pour vaincre la répulsion. Lenard observa que si le potentiel de la plaque négative était assez élevé, V>Vmax, aucun électron ne l’atteignait.

La surprise était qu’intensifier l’éclairement ne changeait rien à ce potentiel: que la lumière soit faible ou intense ne modifiait pas l’énergie des électrons et ils n’atteignaient pas mieux l’électrode. Autrement dit, l’énergie des électrons ne dépendait pas de l’intensité de la lumière. Par contre elle dépendait de la fréquence (ou de la longueur d’onde) de la lumière: le potentiel d’arrêt était plus élevé en lumière ultraviolette qu’en lumière bleue. L’expérience de Lénárd ne permettait pas de mesurer précisément la relation entre la fréquence de la lumière et le potentiel d’arrêt, car le métal devait être très pur (il s’oxydait en quelques minutes et cela faussait l’expérience).

La théorie de la lumière comme onde électromagnétique ne permettait pas de comprendre ce phénomène. L’énergie du rayonnement augmentant avec son intensité, on peut comprendre qu’augmenter cette intensité augmente le nombre d’électrons, mais pourquoi n’augmentait-elle pas aussi l’énergie individuelle de ces électrons? L’existence d’un seuil pour l’effet photoélectrique n’était pas trop surprenante, mais on se serait plutôt attendu à un seuil en intensité qu’un seuil en fréquence: que les électrons aient besoin d’énergie pour quitter le métal était raisonnable, mais il eut paru logique que, à faible intensité du rayonnement, les électrons doivent accumuler peu à peu l’énergie nécessaire, et donc que le phénomène présente une certaine latence. Mais rien de tel n’apparaissait: aucun électron n’était émis en dessous du seuil en fréquence, et dès le seuil franchi des électrons étaient éjectés en nombre proportionnel à l’intensité de l’éclairement.

L’expérience de Lénárd fut répétée de nombreuses fois au cours des années suivantes, par Langevin, Bloch, Thomson, Palmer et finalement par Millikan (dont le prix Nobel en 1923 récompensa autant ses travaux sur l’effet photoélectrique que ceux sur la charge de l’électron). Il s’avéra que le potentiel d’arrêt Vmax augmentait linéairement avec la fréquence ν de la lumière, exactement comme Einstein l’avait prédit.

La solution d’Einstein

Dans son premier article de 1905, dans lequel il accordait un sens physique à la quantité d’énergie ε = hν imaginée par Planck pour aboutir au bon spectre du corps noir, Einstein avait remarqué que le spectre de Planck ressemblait étonnamment à la distribution thermique des molécules d’un gaz telle que Maxwell et Boltzmann l’avait établie. Il avait alors formulé son hypothèse du « quantum de lumière »: dans certaines conditions, une lumière de fréquence ν se comporte comme si elle était formée de corpuscules chacun porteur d’une énergie E = hν.

Dans la suite de son article, Einstein s’appuya sur cette idée pour donner son interprétation de l’effet photoélectrique et du comportement anormal découvert par Lénárd. Selon Einstein, un électron ne pouvait quitter le métal éclairé par la lumière que s’il recevait une énergie supérieure à un seuil Eseuil, correspondant à son énergie de liaison avec le métal. Einstein disait ensuite qu’un quantum de lumière (photon) n’interagissait qu’avec un seul électron, auquel il apportait toute son énergie avant de disparaitre. Si cette énergie Ephoton = hν était supérieure à l’énergie de seuil Eseuil,, l’électron était éjecté, avec une énergie égale à la différence Ephoton–Eseuil.

Interprétation d'Einstein de l'effet photoélectrique
Interprétation (schématique) par Einstein de l’expérience de Lénárd, dans le cas du potassium. Un électron est éjecté s’il reçoit au minimum une énergie de 2 eV. Un photon de lumière rouge (λ=700 nm) apporte 1.77 eV, ce qui est insuffisant pour éjecter un électron. Un photon de la lumière verte (λ=550 nm) apporte 2.25 eV, permettant à un électron de s’échapper en emportant 0.25 eV, ce qui lui communique une vitesse de 296 km/s. Un photon de lumière bleue (λ=400 nm) apporte 3.1 eV permettant à un électron de s’échapper avec une énergie cinétique de 1.1 eV, correspondant à une vitesse de 622 km/s.

Ce raisonnement expliquait pourquoi une lumière de basse fréquence n’arrachait aucun électron, quelle que soit son intensité: aucun photon n’avait assez d’énergie pour arracher un seul électron. Il expliquait aussi pourquoi le seuil variait avec le métal: il était raisonnable de penser que l’énergie de liaison des électrons, Eseuil, dépendait de la structure cristalline. Elle expliquait enfin pourquoi augmenter la fréquence de la lumière, augmentant l’énergie disponible pour les électrons éjectés, augmentait le potentiel d’arrêt pour stopper ensuite ces électrons.

Le raisonnement d’Einstein ne se contentait pas d’expliquer qualitativement les observations, il permettait trois prédictions quantitatives importantes. L’énergie Ephoton = hν des photons étant proportionnelle à la fréquence ν, l’énergie des électrons émis est:

Eélectron= Ephoton – Eseuil = hν – Eseuil

Le potentiel d’arrêt étant Vmax = Eélectron/e , e étant la charge électrique d’un électron, Einstein pouvait prédire que :

  • la relation entre Vmax et fréquence ν serait une fonction linéaire (une droite dans un diagramme Vmax en fonction de ν):
  • Vmax = (h/e) ν – (Eseuil/e)
  • la pente h/e de cette droite devait être universelle, la même pour tous les corps photoélectriques;
  • cette pente permettrait, connaissant la charge e de l’électron, de calculer la constante de Planck h de manière totalement indépendante de la théorie du corps noir et, en cas d’écart important, de réfuter son idée de quantum de lumière.

En 1905, il s’agissait bien de prédictions, qui furent progressivement vérifiées au cours des années suivantes, et elles valurent à Einstein le prix Nobel de physique en 1921. Les expériences étaient délicates: en 1909 Ladenburg parlait d’une corrélation entre potentiel d’arrêt et fréquence, sans garantir qu’elle soit linéaire, en 1912 Hughes (un élève de Thomson) annonçait une relation linéaire mais trouvait une pente différente d’un corps à l’autre. Les résultats de Hughes étaient cependant très contestés.

Parallèlement, Millikan s’efforçait depuis 1912 à Chicago de mesurer les potentiels d’arrêt de plusieurs métaux alcalins (sodium, potassium, césium). Doutant fortement de l’idée des quanta de lumière, Millikan s’était lancé dans ces expériences délicates pour la réfuter. Mais en 1914, 1915 et 1916 il publia une série de résultats indiquant sans nul doute que la relation était linéaire, que la pente était universelle et il put donner une estimation de la constante de Planck h = 6.56*10-34 J.s (presque la valeur annoncée par Planck, quoique toutes deux trop faibles de 1%). Ces expériences valurent à Millikan (avec celles sur la charge de l’électron) le prix Nobel de physique en 1923. En 1915, Duane et Hunt avaient observé à Harvard une sorte d’effet photoélectrique inverse: un tube à rayons X produisait des rayons X dont le spectre en fréquence était nettement coupé au delà de la fréquence ν correspondant exactement à l’énergie des électrons bombardant l’anode, énergie que l’on pouvait varier via le voltage V appliqué au tube. Duane et Hunt établirent que ν=eV/h, et calculèrent ainsi h = 6.39*10-34 J.s. Ces confirmations des prédictions d’Einstein ne suffirent d’ailleurs pas à convaincre la plupart des physiciens du bien fondé du concept de quantum de lumière, y compris Millikan ou Duane eux-mêmes. La raison de cette défiance se trouve dans l’apparente perfection des équations de Maxwell couplée aux résultats expérimentaux démontrant sans le moindre doute la nature ondulatoire de la lumière.

Relation linéaire entre le voltage et la fréquence de la lumière (Millikan, conférence Nobel 1923). Le calcul encadré est celui qui donne la valeur de la constante de Planck (en unités cgs) dans l'interprétation de l'effet photoélectrique par Einstein
Relation linéaire entre le voltage et la fréquence de la lumière (Millikan, conférence Nobel 1923). Le calcul encadré est celui qui donne la valeur de la constante de Planck (en unités cgs) dans l’interprétation de l’effet photoélectrique par Einstein

 


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